On connaît la jurisprudence désormais bien établie selon laquelle, l’achat d’un mot-clé identique à la marque d’un concurrent dans le cadre d’une campagne de référencement payant, n’est pas répréhensible en soi.
C’est ainsi qu’il est devenu courant pour de nombreux opérateurs de réserver comme mot clé sur le service Google adWords la marque de leur concurrent. Bien que cette pratique permette dans les faits d’exploiter la notoriété de son concurrent, la jurisprudence estime qu’elle n’est pas en soi répréhensible.
Il n’empêche que plusieurs décisions récentes semblent vouloir revenir, ou tout au moins, limiter la portée de cette jurisprudence. C’est ainsi que la société Carré Blanc, spécialisée dans la distribution de linge de maison a attaqué la plateforme Amazon, après avoir constaté que le nom de sa marque apparaissait dans les annonces affichées par Amazon suite à sa réservation comme mot clé.
Saisi du contentieux, le tribunal judiciaire de Paris a estimé que dès lors que la marque apparaissait également dans le titre de l’annonce, le risque de confusion entre le site de Carré Blanc et le site d’Amazon, ne pouvait être écarté :
« Il s’ensuit que le titulaire d’une marque est habilité à interdire à un annonceur de faire, à partir d’un mot clé identique ou similaire à ladite marque que cet annonceur a, sans le consentement dudit titulaire, sélectionné dans le cadre d’un service de référencement sur internet, de la publicité pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels ladite marque est enregistrée, lorsque ladite publicité fait usage de la marque de manière visible et ne permet pas ou permet seulement difficilement à l’internaute moyen de savoir si les produits ou les services visés par l’annonce proviennent du titulaire de la marque ou d’une entreprise économiquement liée à celui-ci, ou au contraire d’un tiers ».
Le tribunal souligne en outre que cette pratique est d’autant plus préjudiciable, que le site d’Amazon ne proposait pas de produits Carré Blanc.
Le tribunal se voit donc contraint de rappeler que :
« le fait, pour un distributeur, d’annoncer la vente de produits d’une marque alors qu’il n’en détient pas ou en détient un nombre d’exemplaires insuffisant pour répondre à la demande normale de la clientèle, afin d’attirer cette dernière et lui proposer des produits d’une autre marque, constitue la pratique prohibée dite « de la marque d’appel».
Les annonceurs doivent donc se montrer prudents dans le choix des mots clés réservés et dans la rédaction des annonces publicitaires qu’ils diffusent sur les sites de référencement.
Décision : Tribunal judiciaire de Paris du 10 juin 2022 CARRE BLANC EXPANSION et autre / AMAZON EU et autre.